Poissons sonores

Bande-son. Pas une play-list. Une compil. Spéciale dédicace à toutes les bidouilleuses et bidouilleurs.

On va parler ‘musiques populaires’. Sans encyclopédie mais avec amour.

La Médiathèque. Un truc tellement d’un autre monde que même le nom n’existe plus. Je me souviens quand sur la place de Mons, on devait montrer patte blanche pour emprunter les 33-tours : si l’aiguille de votre tourne-disque n’était pas en parfait état, vous rentriez bredouille. Les collections insondables de la médiathèque, comme un enfant perdu dans la forêt tropicale. Autodidacte jusqu’à l’indigestion.

Le choc, plus tard, rentrant chez moi, à l’écoute des trois cd. J’avais déjà un peu fait le tour des musiques connues, des musiques qui en étaient proches et des musiques classées non loin des musiques proches des musiques connues. J’avais donc demandé qu’on me recommande quelque chose. Quel genre ? Ce que tu veux. Et là, Pierre avait eu l’idée de génie : Kulu Se Mama de Coltrane, Les Noces de Stravinsky et 13 songs de Fugazi. J’avais 15 ans, peut-être 16. C’était donc il y a 28 ans, peut-être 29. Bien sûr copiés sur cassettes, écoutés avec l’intensité dont seuls les ados, les enfants ou les fous sont capables.

En polar, il y a Izzo. Jean-Claude le Marseillais. Trilogie de Fabio Montale. Je retrouve dans ses titres le genre de culture populaire qui me nourrit : Total Khéops, tiré tout droit des rappeurs de IAM, Chourmo, à chercher chez les Massilia Sound System et puis Solea, du flamenco, revisité par le grand Miles.

Alors, un peu en hommage, en m’insérant dans une tradition informelle, parce que j’aime ça, voici une mini bande-son pour mes Poissons volants. Dans l’ordre d’apparition dans le bouquin :

Est-ce qu’après ça, j’oserais vous souhaiter une bonne écoute ?

 

 

L’argentique

Avant de rêver La Línea, je l’ai beaucoup photographiée. Je suis fasciné par le graphisme de ces exocets qui, en saison, se retrouvent partout dans le quartier de la Atunara.

 

Zone très populaire, de pêche et de trafic, déglinguée, solidaire, gouailleuse, équivoque, c’est le parfait terrain de jeu du reporter en herbe et une source intarissable d’anecdotes policières.

En été, dès 11 heures, le soleil cogne et la lumière devient très, très dure. Pas facile de capter des détails dans l’ombre du parasol sans exploser complètement les tons clairs. Finalement, j’ai choisi sur cette photo de réduire le contraste, ce qui fait que, en tout cas sur l’écran mal calibré de mon pc, elle me semble aujourd’hui un peu grise.

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Précision : c’est de l’argentique, de la pellicule noir et blanc (à l’époque encore, la regrettée Neopan 400 de Fuji). Je travaille avec un vieux Rolleiflex de plus de 60 ans et une petite cellule photométrique capricieuse.

 

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Paquet cadeau          © Fr. Filleul

En déambulant dans le quartier, on tombe sur de drôles de paquets. Bien malin qui dirait ce qu’a pu contenir cette fourgonnette enrubannée…

J’ai pris – je prends – énormément de plaisir à photographier en Andalousie. Dompter la lumière, chercher les détails dans les blancs, capturer un bout du réel qui, sinon, aurait été agencé différemment. Au sens littéral, la photo permet de mettre un cadre à la vie. A mi-chemin entre documentaire et invention, on capte, sans douleur, sans nécessité de se projeter soi-même. Bien caché derrière l’appareil. À lui de se charger de la médiation.

Poissons volants nait en partie de cette recherche photographique. En quelque sorte, le roman nait ici :

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Casa sonrisa      © Fr. Filleul

Cette maison qui semble guigner de l’œil et se foutre gentiment de votre gueule, c’est un peu le noyau de sens d’où tout se déploie.

 

Monothème

Putain !

Voilà, comme ça, gratuitement. Comme le bucheron dans la clairière hésite un instant sur l’arbre à entamer puis se crache un bon coup dans les mains pour se donner du courage.

Jour J – 11 pour la Foire. – 18 pour la sortie en librairie.

On y est presque. L’air de rien, c’est du boulot de se faire remettre un prix.

4 septembre. Il y a la journée de formation. La coach veut qu’on sorte un pitch accrocheur. Je parviens péniblement à produire quelques lignes qui tiennent la route mais travestissent un peu le roman. L’avocat nous sert de guide dans les méandres de la législation sur les droits d’auteur. 19 septembre. Rencontre avec l’éditeur, avec tout ce qu’elle représente, cette scène vue, rêvée, lue, vécue par procuration des dizaines de fois.

Septembre – octobre : le manuscrit. Relire, corriger, douter, relire, corriger, pas trop, sinon on risque de décevoir ceux qui ont aimé le livre et lui ont accordé le prix. Le doute s’installe. Alterne avec des moments d’euphorie mais finit toujours par revenir.

Septembre – octobre – novembre : contrat d’édition, lire, se documenter, négocier, relire, renégocier, re-relire et enfin signer.

Il y a aussi la couv’ et la C4 (la quatrième de couverture, pas le formulaire de licenciement) : texte bio, synopsis et photo.

Vacances de Toussaint : l’horreur. Juste une nuit en amoureux et paf ! Je découvre un problème de chronologie passé inaperçu lors de mes quarante-deux relectures précédentes. Je passe une partie de la nuit à me ronger les ongles, et le reste du congé à jongler avec les chapitres.

Début décembre : c’est bon. Après 264 mails échangés avec Xavier, mon éditeur, le bon-à-tirer est parti, le bouquin part à l’imprimerie. M’inscrire dans une société d’auteurs (pour moi, la Scam).

Mais le pire était à venir : les réseaux sociaux. Jouer le jeu ou pas ? Ou plutôt suivre quelles règles ? Timidement, je crée un profil Facebook. J’ai vite douze amis, puis treize (que ces visionnaires sont remerciés, que dis-je ?, bénis à tout jamais).

Le 11 novembre, dans une ville de Mons concentrée sur les festivités du centenaire de l’armistice et livrée aux contingents militaires du monde entier, je suis très gentiment invité à participer à un festival du polar. Je viens y parler d’un livre qui n’existe physiquement pas encore et pour lequel je n’ai que le projet de couverture à montrer. Pas peu fier, cependant, je reçois un badge « auteur » et échange avec quelques écrivains d’envergure, dont Ian Manook et Víctor del Árbol.

Beaucoup plus récemment s’est posée la question de la communication de la sortie du livre. À quels contacts ? Tous, non. Seulement les plus proches, non plus. Mais alors à qui ? Et comment ? Préparation des mails, envoi, oublis, renvois, correction, changement d’heure pour la Foire du livre de Bruxelles…

Et puis là, un vendredi, en rentrant du boulot, je tombe sur Yeba dans le métro. Entre Madou et Mérode, elle me fait un interrogatoire, suivi d’un briefing qui me laissent pantois. Si j’ai une page FB ? Ouf, oui, depuis deux semaines. Twitter ? Instagram ? Linkedin ? Une page web à mon nom ? En .com ? Non, évidemment non, non et non. Hum. Je vois qu’elle se dit que je vis sur une autre planète. Mais comme elle a de la suite dans les idées et un pouvoir de conviction enviable, on se revoit quelques jours plus tard et …, ben, peut-être que quelqu’un me lit sur le net en ce moment…

Bon, je m’arrête là, c’est assez, je trouve, pour un premier billet. Tout ça pour dire combien la préparation de la sortie du livre est prenante, et excitante. Et aussi pour m’excuser auprès de ceux qui m’ont croisé ces derniers mois : comment je suis devenu monothémiste !

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