A ce stade, on a l’impression que le confinement a duré toute la vie et pourrait se prolonger tout autant. Au quantième jour en sommes-nous ? Chacun lutte comme il peut pour ne pas faire un bien vilain fou.
Je me souviens qu’étant étudiant, quelqu’un m’avait amené dans une chambre aménagée quelque part dans les combles de la place Saint-Boniface, bien avant sa gentrification, chez une fille que je rencontrais en entrant chez elle, pour terminer une soirée d’errances, je ne sais plus pourquoi on était arrivés là.
On ne s’était pas plu, avec la fille qui nous recevait. Comme c’est si courant chez les gens dits de gauche (dont je suis : je ne devrais pas l’écrire par mesure de précaution et pour ne pas faciliter leur tâche le jour où, mais il est des licences que l’on prend sans comprendre), l’un était trop je ne sais quoi pour l’autre, ou trop … allié objectif de l’ennemi, enfin, je ne me souviens plus des détails. Ce dont je me souviens, c’est d’une discussion sur l’hygiène petite-bourgeoise des chiottes et en ces temps de pénurie de papier-q, je rigole doucement.
Surtout, cette fille avait un poster, ou une inscription, comme chez moi celles d’Achille Chavée. Cela disait « Sueño con estar lejos ». Et il y avait la photo du Che. Je rêve d’être loin. Comme je l’ai toujours rêvé, sans jamais cesser de m’imaginer d’autres vies. Pendant sept ou huit ans, bien plus tard, j’ai pris le train deux fois par semaine à la gare du Midi, rêvant à chaque fois de prendre un international et me retrouvant systématiquement à Mons.
L’ennui, l’impuissance, tant d’heures futiles face à l’écran m’ont poussé à replonger dans mes scans de négatifs et à donner libre cours à mon envie d’être ailleurs. Pas un journal, un songe.